Page 4 - Extrait - Le journal d'une folle
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sur la perfection du visage de sa bien-aimée. Il était alors complètement désarmé
devant tant de beauté. Il lui dit avec douceur :
– Écoute, mon trésor, ne doute pas un instant de la sincérité de mon amour. Je vais
tout de suite t’en donner une preuve tangible. Organise tout selon tes désirs. Je te
laisse carte blanche. Tu feras envoyer les factures à mon bureau.
Heidy était folle de joie. Elle sauta au cou de Robert et l’embrassa avec passion. Peu
habitué à tant de démonstrations intempestives, Robert faillit tomber à la renverse. À
compter de ce moment, Heidy se déchaîna comme une furie. Il y avait tant de choses à
voir. Elle voulait que tout soit parfait. Elle dressa une liste de priorités et les exécuta
systématiquement dans l’ordre : tout d’abord, elle réserva la date à l’église de la
paroisse.
Heidy songea : « Heureusement que l’église de Robert accepte notre situation. » Elle
se souvenait d’une de ses amies de religion catholique qui avait dû se contenter d’un
juge de paix dans un quelconque hôtel de ville. « Si j’avais dû vivre cela, je crois que
j’aurais préféré ne pas me marier du tout », pensa Heidy. Elle était très sincère, ne
réalisait pas l’incongruité de ses choix davantage axés sur la perfection de l’image
qu’elle voulait donner d’elle-même, plutôt que sur l’amour qu’elle portait à Robert. Mais,
Heidy n’écoutait plus depuis longtemps ses petites voix intérieures lui parlant d’honneur
et d’honnêteté; elle les avait fait taire pour se livrer tout entière à sa fierté orgueilleuse
qui voulait effacer toutes les humiliations subies dans sa vie. Elle pensait : « C’est
vraiment là, au temple, que le vrai spectacle a lieu. » Et elle se voyait déjà entrer au
bras de son témoin. Mais de qui s’agirait-il au juste? Elle se demandait encore si elle
pouvait compter sur son père. Je verrai bien en temps et lieu, se rassura-t-elle. Et elle
continua sa rêverie : une superbe robe blanche en dentelle, une traîne avec des verges